Source : Courier International 12/10/12
Le prix Nobel de la paix vient d'être attribué à l'Union européenne. La déception est palpable dans les rangs de l'opposition biélorusse. Le nom de l'un de leurs, Ales Bialiatski, qui purge actuellement une peine de 4,5 ans dans une colonie punitive, revenait sans cesse sur la liste de "nobélisables".
"Cet homme, à lui seul, incarne le combat pour les respect des droits de l'homme", explique Alice Syrakvash, exilée biélorusse installée à Paris, coordinatrice de manifestations en faveur de la démocratie dans son pays. "Sans remettre en question l'attribution du prix à l'Union européenne, je crois que beaucoup de mes compatriotes sont déçus aujourd'hui. L'attribution du prix Nobel à un prisonnier politique aurait pu redonner de l'espoir et un nouveau souffle à l'opposition biélorusse qui se bat pour libérer le pays de la dictature", explique Alice Syrkvash.
"On s'attendait à ce que le prix aille à Ales Bialiatski", déclare Andreï Strizak, représentant des syndicats indépendants à Gomel, une ville à l'Est de la Biélorussie."Un prix Nobel pour lui serait comparable à l'élection de Karol Wojtyla à la papauté. Une grande autorité morale, Jean-Paul II a considérablement contribué à la création - et à la victoire - du syndicat Solidarnosc quelque années plus tard", poursuit M. Strizak.
"Je suis très triste", affirme pour sa part Siarhieï Navoumtchik, journaliste à la Radio Svoboda, ancien député biélorusse, exilé aux Etats Unis depuis 1996. "Un prix Nobel pour un Biélorusse aurait pu avoir le même impact que le prix Nobel accordé à Lech Walesa", explique M. Navoumtchik. En effet, le père fondateur du syndicat Solidarnosc a reçu le prix Nobel 1983, au moment où son organisation était réprimée par la régime du général Jaruzelski.
"Selon moi, le prix Nobel de la paix devrait être attribué à une personnalité qui s'oppose fermement à la guerre, à la violence, aux abus. Qui risque sa vie et sa liberté au nom de ses principes", explique Andreï Dmitrev, du mouvement civique Govori Pravdou ! [Dis-la vérité!]. "Il ne s'agit pas tant de la politique, mais de la voie qu'on choisit pour y parvenir." Quant à la politique orientale de l'Union européenne, elle serait, selon lui, plutôt inefficace. "Le message que l'UE envoie en direction de la Biélorussie n'est pas suffisamment fort", explique M. Dmitrev. "Et sur le plan pragmatique, le visa coûte 60 euros, il n'y a pas de dialogue, ni de véritables sanctions. Il est temps d'aller de l'avant, au lieu de se gargariser sur les opinions morales. Celles-ci devrait être suivies par de réelles sanctions."
Pour Siarhieï Navoumtchik, la politique de l'UE n'a aucune influence sur la situation en Biélorussie. "Je le sais, je connais Loukachenko, j'ai été député en même temps que lui dans les années 90. Le compromis est à ses yeux un signe de faiblesse. Il est complètement contrôlé par Moscou. Et comme l'UE n'a pas une conception claire de ses relations avec Moscou, elle n'en a pas non plus de ses relations avec Minsk", explique M. Navoumchik.
"Soutenir la société civile, c'est une très bonne idée", affirme M. Strizak, le syndicaliste. "L'UE donne de l'argent pour les ONG en Biélorussie, mais elle ne dit pas ce qu'il faut faire de Loukachenko. L'interdiction de territoire de l'Union n'est pas un problème les fonctionnaires du régime biélorusse. Au lieu d'aller skier à Zakopane, en Pologne, ils peuvent toujours aller glisser sur la poudreuse à Sotchi."