Source : Regard sur l'Est 21/09/13 par Horia-Victor Lefter
Dans le contexte d’intensification des différends entre la Russie et ses voisins, le Commissaire européen à la politique de voisinage Stefan Füle a fait, le 11 septembre dernier à Strasbourg, une déclaration relative à la pression exercée par Moscou sur les États relevant Partenariat oriental. Deux jours après, l’Agence d’informations de la télévision publique du Bélarus (BT) publia un reportage incluant des extraits de la déclaration, traduits en russe par ses propres soins. La semaine dernière, la Délégation de l’Union européenne au Bélarus a elle aussi fourni sa propre traduction en russe, en se saisissant des approximations de la traduction effectuée par Belteleradiocompany (BT). Ces erreurs supposées avaient en effet déformé les propos de Stefan Füle.
Le Commissaire européen avait pourtant été clair dans sa critique des efforts déployés par la Russie pour punir certains pays qui cherchent à se rapprocher de Bruxelles, dont la Moldavie et l’Ukraine. Selon Stefan Füle il est évident, d’une part, que «toute menace russe liée à l’éventuelle signature d’accords avec l’UE est inacceptable». D’autre part, d’un point de vue légal, «l’appartenance à l’Union douanière est incompatible avec les accords de libre-échange que nous avons négociés avec l’Ukraine, la République de Moldavie, la Géorgie et l’Arménie». En outre, Stefan Füle a précisé que «les accords de libre-échange et d’association ne sont pas conçus aux frais de la Russie». Au contraire, celle-ci «pourra aussi tirer avantage de l’intégration des pays du Partenariat oriental dans une économie européenne plus large». À terme, la vision de Bruxelles serait que «ces accords contribuent à l’éventuelle création d’une espace économique commun depuis Lisbonne jusqu’à Vladivostok, basé sur les règles de l’OMC». Pour y parvenir, l’UE «encourage ses partenaires à approfondir leurs relations avec la Russie, comme nous le faisons aussi, mais d’une façon qui soit compatible avec les accords d’association et de libre-échange».
Le 13 septembre, l’agence BT –organisme détenu par l’État biélorusse– écrivait que, d’après le Commissaire, «l’UE est d’abord intéressée par le maintien de liens traditionnels forts entre ses partenaires orientaux et Moscou», pour ajouter que «Bruxelles aidera l’Union douanière à se conformer aux standards et règlementations en vertu de la législation européenne et internationale». Seule une version russe de ces propos fut fournie par l’organisme biélorusse d’information sur tvr.by.
Le même jour, Belarusian Telegraph Agency, agence d’informations appartenant aussi à l’État, publiait sur la version en anglais de son site un article consacré à la participation du ministre bélarusse des Affaires étrangères, Vladimir Makei, à la réunion des ministres du Partenariat oriental qui a eu lieu le 13 septembre à Erevan (Arménie): pendant la discussion plénière, Vladimir Makei aurait rappelé le principe d’égalité entre les États participant au Partenariat oriental et souligné les effets pratiques de cette initiative. Le ministre aurait insisté sur «le besoin d’établir un dialogue et une interaction entre les deux associations clés d’intégration du continent –l’Union douanière et l’Union européenne». Il aurait, enfin, évoqué «l’initiative du président bélarusse Alexandre Loukachenko concernant l’intégration de toutes les intégrations».
Aujourd’hui, le Bélarus est sous le coup de l’interdiction russe d’importations de plusieurs produits bélarusses et de la menace de réduction de 20% des exportations russes de pétrole, du fait notamment de la détention de Vladislav Baumgartner, directeur général de Uralkali, le principal producteur russe de potasse. Ses actes et –plus rarement– ses paroles, transmises par les médias, montrent que l’un des plus anciens alliés de la Russie doute aujourd’hui, lui aussi, de la politique russe de voisinage. Malgré ce, les autorités bélarusses, par l’intermédiaire de la compagnie BT qui se décrit comme «ouverte, sincère et amicale», autant de «qualités intrinsèques aux Bélarusses», persistent à tenir un discours capable de générer mauvaises interprétations et malentendus... notamment au sujet de l’Union européenne.